Adieu Guy
J’ai aimé l’homme et l’artiste et il est rare qu’on apprécie les deux. Guy Bedos faisait partie des rares avec Coluche à pouvoir prononcer les mots bougnoule ou négro en toute confiance, un des seuls autorisés auprès des populations concernés à la chambrante féroce. Oui, lui seul pouvait moquer ou caricaturer l’arabe et le noir sans crainte de semer, c’est qu’il portait en lui plus qu’une conviction mais les stigmates des pires sévices portés à l’endroit de tous les immigrés. Le racisme le révulsait à croire qu’un arabe vivait en lui, qu’un sang de noir coulait dans ses veines. S’il eut été Nougaro, il aurait chanté – « Armstrong je ne suis pas noir, quel manque de peau ».
Toutes les injustices subies par quelque étranger semblaient le marquer jusqu’au fond de l’iris, un iris humide toujours en prévisions des pleurs à venir. Toujours rieur et extravagant, il masquait la dévastation de son âme. Guy, c’était un dévasté profond, c’était mon avocat à moi, le défenseur des jeunes issus de l’immigration, le mégaphone de toutes les victimes de violences policières ou racistes. Il aurait pu être un honnête défenseur de la veuve et de l’orphelin, du chien sans collier et il a défendu Yamina et Mohamed, la cause était pas la moins ingrate.
S’il a rudoyé la droite et pilonné l’extrême droite, la gauche porte encore les coquards qu’il lui assénait. Il ne comprenait l’abandon des cités par des élus qui se réclamaient du camp du progrès. Au pouvoir cette gauche l’a éreinté par son inexcusable laxisme, son effarante lâcheté, pourtant jamais il n’a quitté ce camp qu’il s’est acharné à anoblir en rappelant qu’il y a certes la loi, certes la République mais qu’elles pouvaient plus souvent qu’à leur tour s’engourdir oubliant que le propre de la rature c’est de ne plus en être une.
Il restera le seul frère au prénom bien français que nous ayons jamais eu.
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